Connaissez-vous l'œuvre Tyrol de l'artiste Franz Marc
- Loïse Pannier
- 15 févr.
- 3 min de lecture
Tyrol de Franz Marc : une plongée dans l'art en mutation
Franz Marc, peintre allemand né en 1880 et mort en 1916, est aujourd'hui connu pour ses œuvres vibrantes mettant souvent en scène des animaux. Mais en 1914, avec son tableau Tyrol, il s'engage dans une nouvelle approche artistique, influencée par les mouvements cubiste et futuriste. Ce changement marque une évolution importante dans sa carrière, où l’abstraction prend une place prépondérante.

Une œuvre en rupture avec son style habituel
À première vue, Tyrol surprend. Contrairement aux scènes paisibles peuplées de chevaux ou de renards auxquelles Marc nous avait habitués, ce tableau présente un paysage chaotique et tourmenté. Une forme rectiligne, qui s’avère être un arbre mort, traverse la composition de bas en haut, tandis que des montagnes semblent brisées, évoquant un décor apocalyptique. Loin de la douceur de ses œuvres précédentes, ce tableau respire une tension dramatique, accentuée par une palette de couleurs intenses.
Marc, grand admirateur de l’art français, avait une bonne connaissance du travail des artistes impressionnistes de la fin du XIX siècle. L’ambiance de l'œuvre rappelle moins la sérénité cézanienne que la puissance dramatique d’un Van Gogh. Cette rupture avec son style habituel traduit un désir d’exploration artistique et philosophique.
Le renard, Franz Marc, 1911, peinture sur toile, musée Von der Heydt, Wuppertal / Cheval Bleu, Franz Marc, 1914, huile sur toile, collection Bernhard Koehler
L’influence du cubisme et du futurisme
1913 est une année charnière pour l’art moderne : le mouvement Die Brücke en Allemagne se dissout, tandis que le cubisme et le futurisme connaissent un essor fulgurant. Franz Marc ne reste pas insensible à ces nouvelles influences. Après avoir rencontré Robert Delaunay cette même année, il intègre dans son art les formes géométriques et l’éclatement des perspectives caractéristiques du cubisme.
Dans Tyrol de Franz Marc, les montagnes, le ciel et les maisons sont morcelés en triangles et cercles imbriqués, renforçant l’impression de désordre et de transformation.
Toutefois, contrairement aux cubistes qui privilégiaient des tons sobres, Marc conserve des couleurs vives et expressives, héritées du fauvisme. Il attribue une signification symbolique à chaque teinte : le bleu représente la force et le spirituel, le rouge le danger et l’agressivité, tandis que le jaune évoque la lumière et la féminité. Dans Tyrol, ces couleurs semblent en conflit, traduisant un combat intérieur ou un bouleversement du monde.

Une quête spirituelle et abstraite
Marc est un artiste profondément spirituel. Convaincu que les hommes ont perdu leur pureté, il se tourne vers la représentation des animaux, qu’il considère comme porteurs d’une vérité essentielle. Or, Tyrol fait exception : aucun animal n’y apparaît. Loin d’être anodine, cette absence traduit peut-être une prise de conscience plus radicale, où le chaos du monde ne permet plus d’atteindre l’harmonie naturelle. Surement très sensible aux horreurs de la guerre qui s'annonçait, le travail de l'artiste s'est retrouvé immanquablement touché par la triste actualité mondiale du début du XX siècle.
Ce tableau marque aussi un pas vers l’abstraction. Les formes ne sont plus des éléments clairement identifiables, mais des impressions, des énergies en mouvement. Les nombreux cercles et soleils qui ponctuent la composition évoquent un monde intemporel, détaché de la réalité immédiate. En ce sens, Tyrol annonce les dernières œuvres de Marc, comme Formes combattantes (1914), où l’abstraction devient totale.

Une œuvre annonciatrice
Avec Tyrol, Franz Marc franchit une étape décisive dans son évolution artistique. Influencé par ses contemporains, il abandonne progressivement la figuration au profit d’un langage plus abstrait, plus spirituel. Ce changement s’accompagne d’une intensité émotionnelle nouvelle, où le chaos et la destruction semblent ouvrir la voie à une renaissance.
Malheureusement, la guerre interrompt brutalement cette quête. Mobilisé en 1914, Franz Marc meurt au front en 1916, laissant derrière lui un art en pleine mutation. Tyrol demeure ainsi un témoignage précieux de cette transition, une œuvre clé pour comprendre son cheminement artistique et philosophique.
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