Exposition "En chaîne et en or" de Silina Syan, au Confort Moderne
- Loïse Pannier
- 20 févr.
- 3 min de lecture
Jusqu'au 13 avril 2025, le Confort Moderne à Poitiers accueille "En chaîne et en or", la première grande exposition personnelle de Silina Syan. Cette immersion visuelle et sensorielle explore les paradoxes du quotidien, le faux luxe et les reflets de la mondialisation à travers des images et installations saisissantes.
Une exposition inspirée de la culture contemporaine
Le titre de l'exposition fait référence à "Boulbi" de Booba, une connexion directe à l'univers du rap et du bling-bling qui irrigue son travail. Silina Syan construit un parcours immersif où les images du quotidien se transforment en symboles du luxe accessible, voire factice. Son regard s'arrête sur des objets, des boutiques et des rituels anodins, qu'elle transcende pour dévoiler leur richesse culturelle.
Des icônes du XXIe siècle ponctuent l'exposition : l’industrie bollywoodienne, les tendances TikTok, les fast-foods… Autant d'éléments qui témoignent d'un monde où les cultures se mêlent et se redéfinissent sans cesse.
Silina Syan, une artiste entre plusieurs mondes
Diplômée de la Villa Arson à Nice, Silina Syan est issue d'une famille multiculturelle : son père est bengali, sa mère arménienne, et elle a grandi à Paris. Son travail photographique puise dans ces influences multiples pour mettre en lumière des identités hybrides et des réalités sociales souvent passées sous silence.
Dès l'enfance, elle photographie son environnement, une habitude qui se prolonge dans cette exposition, où chaque cliché raconte un fragment de son histoire et de celles qu'elle côtoie.

Un parcours fait de photographies, d’installations et de vidéos
Dès l'entrée, une première installation capte l'attention : sur un mur tapissé de papier peint, des photographies sont disposées en accumulation. Portraits de proches, images de boutiques parisiennes et scènes capturées lors du premier voyage de l'artiste au Bangladesh se côtoient. L'effet de surcharge matérielle souligne la surconsommation et la dévalorisation des objets.
L'installation centrale, Sonar Bangla, se déploie sous la forme d'un fast-food reconstitué, où une vidéo montre l'artiste racontant une histoire. Le décor, dominé par une fresque de l'Ahsan Manzil, un palais historique du Bangladesh qui fut autrefois la résidence de la famille Nawab de Dacca. Symbole de richesse et de pouvoir sous la période coloniale, ce monument rose à l'architecture imposante incarne le faste d'une époque révolue, tout en restant un témoignage des transformations culturelles et économiques du pays. Ainsi placé dans l'exposition, il introduit un dialogue entre tradition et modernité.
Installation Sonar Bangla
Le cœur de l'exposition réside dans une création inédite : un long rideau de chaîne dorées dans lequel s’insèrent des portraits miniatures de Tawaifs, danseuses et musiciennes d’élite sous l’Empire moghol, qui jouaient un rôle central dans la culture aristocratique en tant qu'artistes et intellectuelles. Hautement éduquées, elles maîtrisaient la poésie, la musique et la danse classique, et influençaient la société bien au-delà de leur image de courtisanes, un statut qui leur fut imposé après la colonisation britannique. Cette pièce emblématique lie le passé à l’esthétique bling-bling contemporaine, et l'utilisation de l'IA pour générer ces portraits renforce le questionnement sur l'authenticité et l'image.

L'œuvre Pink Paradise, une vidéo où l'artiste se pare de bijoux kitsch, rappelle les codes girly omniprésents dans l'exposition. De même, Everyday Tales of Bidyakut, nous plonge dans des scènes de vie quotidienne au Bangladesh, filmées avec une grande poésie, évoquant la connexion intime entre les membres d’une famille.
Les vidéos Pink Paradise et Everyday Tales of Bidyakut
Enfin, une installation interactive permet aux visiteurs de se photographier devant une image paradisiaque créée par IA. Ce trompe-l'œil final résume les thèmes de l'exposition : le kitsch, le portrait, l'accumulation d'objets, le faste illusoire et le rêve artificiel.

Un regard personnel sur l'exposition En chaîne et en or de Silina Syan
Parmi les séries de photographies présentées, J'aurais pas osé a retenu mon attention. On y voit les mains de l'artiste ornées de longs faux ongles, tenant des objets du quotidien comme un kebab. Cette juxtaposition entre l’apparence sophistiquée et l'ordinaire crée un décalage frappant, rappelant l’esthétique des stories Instagram.

Silina Syan capture avec brio la beauté de l'éphémère, le luxe à la portée de tous et les illusions créées par la société de consommation. En chaîne et en or est une exposition puissante, à la fois ludique et critique, qui interpelle sur notre rapport aux images, aux objets et la culture. Une expérience immersive à découvrir au Confort Moderne jusqu'au 13 avril 2025.
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